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Textes maladroits pour le rêve.
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Textes maladroits pour le rêve.
16 août 2010

Vue sur l'univers, blanc.

 Il va dans le salon pour prendre ses lunettes, qu’il avait laissées sur la table basse la veille. Ses lunettes sont pour voir de loin, pour être certain de ne pas se faire happer par une voiture ou pour lire les indications sur les édifices. Sinon, elles ne lui servent à rien. Pourquoi vouloir quelque chose en étant loin de cette chose? Il veut toucher, sentir, ressentir. Il se rapproche lentement de la vitre, qui donne sur d’autres blocs appartement identiques. Quelques enfants courent dans la ruelle, avec leurs tuques, leurs mitaines et leurs grosses bottes en caoutchouc. Ses yeux s’attendrissent, un petit sourire en coin. Il lève les yeux aperçoit une dame, dans son appartement qui lit un livre, sur le bord de la fenêtre. Sans doute pour profiter de la lumière du jour. Sur son visage, une larme coule. Ses yeux sont petits, elle est chavirée. Étonnement, elle n’arrête jamais de faire bercer sa chaise, qui fait un va-et-vient constant, elle bat la mesure sans en déroger. Avec ses doigts, elle caresse les pages comme si elle guidait ses yeux, se donnait un repère pour ne pas perdre le fil. La couverture rouge vin de ce livre le fascine. Il y a de petits écriteaux dorés, mais il n’arrive pas à discerner les lettres. Ses lunettes sont de bonne qualité, mais rendu à ce point… Il sent une main caresser son épaule. Puis une autre main sur l’autre épaule. Elle est derrière lui, sa tête est posée entre ses deux omoplates. Elle fait balader ses mains sur son torse et lui fait un gros câlin, le serre fort, comme pour qu’il ne tombe pas en bas si la fenêtre se fracasse soudainement. Il tourne sa tête vers la gauche et lui dit :

— J’ai vu ce que tu fais. T’as du talent, c’est certain.
— Mouin. J’te remercie, c’est gentil. T’as fouiné ce matin toi ?
— Oui, un peu. Je suis tombé sur ta voisine. Elle a l’air triste, elle a l’air vraiment bouleversée.
— Ça, c’est madame Gélinas. Elle a perdu son mari il y a deux mois. Depuis ce temps-là, elle passe ses journées sur le bord de la fenêtre, pis elle lit son livre, toujours le même.

Les yeux de l’homme fixent la dame, à travers la vitre légèrement embuée. Alors, la femme glisse sa main sur son épaule et le fait tourner sur lui-même, un demi-tour, pour pouvoir le voir. La lumière éclaire son visage, attendri et paisible. Il lui sourit, elle lui sourit, elle soupire. Il passe sa main dans son dos, afin de la réchauffer un peu. Elle fourre son visage dans le creux de son cou et il l’entoure avec ses bras, lui donnant un petit baiser sur le dessus de la tête, dans ses cheveux noirs. Pendant cinq minutes, que du silence, des respirations, le chien et ses griffes qui font claquer le plancher de bois franc quand il se promène, les gouttes de café qui tombent une à une dans le contenant en verre de la cafetière. Les arômes du café envahissent l’appartement. Tout sent le café, chaque recoin de la pièce sent le café, les draps, les rideaux. Se mélange à cela le parfum des calorifères qui fonctionnent à plein régime, brûlant la poussière qui s’y trouve. Ça lui rappelle les matins d’hiver, avec sa mère, quand elle lui proposait d’aller jouer dehors. Il disait toujours qu’il préférait rester dans la maison, et lire ses bandes dessinées. Elle se décolle de lui pour aller voir la cafetière, elle rompt le moment en une seconde, ce moment qui était digne d’un rêve animé venait de prendre fin. Il se retourne pour regarder à l’extérieur, les bras croisés, les mains vides et la tête pleine.

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